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Les petits récits

La naissance des hérissons

Hérisson

Tout a commencé un lundi 12 avril. Entendre les feuilles sèches craquer n'avait rien d'extraordinaire, y découvrir un hérisson non plus puisque depuis toujours plusieurs se partageaient le jardin. Pourtant, 19h, c'était un peu tôt, il faisait encore bien jour pour ce petit animal nocturne.
Je n'y pensais déjà plus lorsque le lendemain vers 15h, par la fenêtre de l'étage j'aperçois un monticule brun au milieu de la pelouse. Zut, une taupinière ! Il va falloir aller étaler la terre afin que l'herbe dessous ne soit pas étouffée. Curieusement lorsque je regarde à nouveau, la "taupinière" semble s'être un peu déplacée ! Je dois aller voir cela de plus près. Ni taupe ni taupinière, juste, en plein soleil, un (une ?) hérisson qui traverse la pelouse en zigzag. Fouillant, grattant, creusant au pied des touffes d'herbe à la recherche de quelque insecte.

Hérisson J'ai revu ce hérisson chaque après-midi pendant 8 jours. J'ai joué au détective pour savoir d'où il venait, où il allait. Quasiment à la même heure il empruntait le même chemin, une diagonale de 80 mètres du chêne aux prunelliers. L'herbe aplatie trahissait son passage, ses haltes, ses détours. Comme seul un animal malade ou affamé se risque à sortir ainsi en plein jour, je jalonnais son parcours de petits escargots ou de granulés pour chats. Il n'était pas farouche, ne se roulait pas en boule à mon approche, je pouvais l'observer, le photographier à loisir et nous aurions pris l'habitude de nous rencontrer s'il n'avait tout à coup disparu.

Ce n'est que le 28 mai, lorsque j'ai découvert l'amas de feuilles au pied de la glycine, que j'ai enfin compris la raison de sa boulimie. Des feuilles il y en a toujours à cet endroit, je les laisse car c'est là que les hérissons s'abritent l'hiver, mais jamais elles n'avaient été regroupées en un si gros tas. J'ai cessé d'arracher ces pestes de consoudes pour poser la main sur les feuilles, pour écouter. Au bout d'un moment le tas s'est mis à bouger doucement, de légers bruits de succion s'en échappaient. Je me suis relevée en silence et suis partie, reportant à plus tard mon désherbage.

Le jour suivant j'ai délicatement passé une main dans le nid jusqu'à sentir les petits piquants. Je n'osais pas encore écarter les feuilles pour découvrir les bébés. Cependant, ayant lu que la nuit la mère les quittait un moment pour aller manger, je suis restée plusieurs heures assise par terre dans le noir dans l'espoir de réussir à la voir sortir. Elle avait aménagé une "piste" d'entrée en pente douce qui passait sous les feuilles. Lorsqu'elle sortait du nid elle se retournait et les fourrageait afin d'en refermer l'accès. Parfois, avait-elle senti ma présence, elle s'éloignait d'un mètre puis revenait vérifier que tout était en ordre avant de repartir.

Cinq bébés hérissons dans leur nid L'après-midi du 5 juin a été très chaude, la maman a ouvert une cheminée d'aération au centre du tas de feuilles. Je les ai dégagées doucement et ai aperçu 5 petites boules de piquants. Leur coloris brun et blanc laissait penser que les petits étaient âgés d'un mois environ. Le jour de leur première promenade en compagnie de leur mère, n'était sans doute pas loin.
J'aurais bien aimé assister à une de ces deux ou trois sorties d'initiation avant qu'elle ne les abandonne. Je n'y suis pas parvenue. Un matin, comme prévu, la mère était partie et il ne restait au nid que deux des cinq petits hérissons.

J'ai longuement hésité, mais là, sur la face avant de la maison ils étaient exposés à tous les dangers. Il fallait les mettre à l'abri de l'autre coté du mur, dans le jardin. C'est ainsi que je leur ai préparé une cabane en bois, tapissée des feuilles de leur nid et que je les ai transportés derrière le potager. Dans un coin un peu fouillis où j'entasse tous les cailloux ramassés au jardin. Près de la grosse touffe d'helichrysum sous laquelle souvent, l'été, un de leur congénère s'abrite.

Jeune hérisson dormant sous un gant Les jumeaux sont restés trois jours ensemble, puis l'un s'est éloigné. Le dernier est devenu très familier, tellement habitué au gant de jardin avec lequel je le prenais que j'ai dû le lui abandonner. Il s'endormait contre ou dessous. Peu à peu le périmètre de ses promenades s'est élargi cependant il revenait, toujours à la même heure, et attendait la cuillerée de pâtée avec laquelle il se régalait.
Deux semaines ont passées, je ne le voyais plus que le soir, il devenait plus craintif.

Est-ce lui qui, au mois d'août, est venu chaque jour vers 22h fouiller dans la mousse au pied du vieux chêne ? Il y a là, sous les mangeoires, un tapis de graines qui attire les coléoptères dont ils sont friands.
Est-ce lui, est-ce sa mère ? Je ne sais pas, mais si vous croisez un hérisson, revenez le lendemain ; au même endroit à la même heure, vous avez de fortes chances de le revoir.

Pour retrouver le petit hérisson amoureux de mon gant de jardin,
cliquez sur sa photo.

Jeune hérisson
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